Sarah Vaughan, Anatomie d’un scandale, éditions Préludes, Paris, 2019
Sarah Vaughan est étonnante ! En trois romans publiés en France par les éditions Préludes, elle nous offre trois histoires dans des genres totalement différents. Et le plus fou ? C’est que ce sont des réussites à chaque fois ! Elle nous revient cette année avec un thriller psychologique qui nous fait entrer dans les arcanes du pouvoir en Angleterre et dans celles de sa justice. Et ce avec brio !
Kate est avocate spécialisée dans les crimes sexuels. Elle accompagne les victimes dans leur combat pour faire éclater la vérité, chose très difficile quand cela concerne des affaires de ce genre. Or, elle vient de se voir confier l’affaire de sa vie. Elle doit faire condamner un secrétaire d’Etat, James Whitehouse, un ami intime du Premier Ministre lui-même, accusé d’un crime odieux. Or, il se pourrait que cette affaire cache bien plus que ce que recèle le dossier confié à Kate…
Sophie, quant à elle, adore son mari. Mais quand il est accusé de ce crime odieux, elle veut l’aider. Elle veut protéger ses enfants. Elle veut retrouver sa vie d’avant. Mais est-ce possible ? Que cache les accusations contre son mari ? Et si ce scandale allait bien plus loin que ce qu’il ne semble ? Peut-elle vraiment se fier à son mari ? Elle veut l’aider… Mais le peut-elle vraiment ?
Ce roman n’est pas comme les autres. Dès les premières pages, il nous attrape dans ses filets et dans l’intimité de ces deux femmes, Kate et Sophie, qui ne se feront d’ailleurs jamais face, pour ne plus nous lâcher. Nous découvrons un Westminster bien différent de celui qu’on imagine. On est emporté dans les arcanes du pouvoir, dans ses filets, pour n’en ressortir qu’hébété et à bout de souffle.
Kate et Sophie sont deux personnages bien différents. La première est attachée à son travail, qui est la seule chose qui compte. On sent bien que son entêtement à traiter des affaires sexuelles et à tenter par tous les moyens à faire condamner les coupables présumés est plus personnelle qu’il n’est dit. Mais la force de l’auteur et de distiller chaque information dans son récit et de nous permettre de faire le point que quand elle l’a décidé. Et même si à un moment, on commence à se rendre compte seul de ce qu’elle nous cachait, la révélation est d’une logique folle. Quant à Sophie, elle a sacrifié sa carrière pour celle de son mari et pour ses enfants. C’est tout ce qu’elle a et elle veut à tout prix le préserver.
Quelques chapitres se passent à Oxford, des années avant l’affaire qui nous occupe. On y retrouve Sophie et James jeunes, ainsi que deux jeunes filles, Holly et Alison. Et si on ne comprend pas de prime abord ce que ces flash back viennent faire dans l’histoire, on se plaît à découvrir cette université renommée et les rapports qu’entretiennent les étudiants, et notamment les caractères jeunes de Sophie et James. Parce qu’on sait qu’il s’est passé quelques chose à ce moment-là qui a bouleversé James et dont il ne veut plus parler. On dévore ces chapitres, cherchant à comprendre comment tout peut être lié.
Et c’est en cela que Sarah Vaughan est machiavélique : tout prend rapidement forme et ne donne pas toujours une belle image du pouvoir et de la fortune, comme on pouvait s’en douter. En se retrouvant au milieu de cette affaire, on touche au plus près de ce qui peut se tramer dans les couloirs de Westminster (mais ce serait également vrai en France ou dans n’importe quel pays, du moins c’est facilement imaginable). Et c’est effrayant. L’auteur nous dresse un portrait bien peu flatteur du pouvoir, de cette jeunesse privilégiée et riche, qui n’a jamais connu aucun problème dont maman ou papa pouvait l’extirper, et qui parvient à mener une belle carrière. C’est pourquoi on a envie que Kate parvienne à ses fins et fasse condamner ce James Whitehouse qui n’a pas l’air irréprochable dans cette affaire. Pourtant, dès qu’on suit Sophie, on ne peut que se demander s’il est coupable et si cela ne va pas juste briser une famille… On ne sait plus où on en est, on est à la fois du côté de Kate et de Sophie, toutes les deux attachantes et droites dans leurs baskets. Et c’est en cela que les chapitres sur Oxford ont leur importance. Pour faire la lumière sur le tableau en entier.
Sarah Vaughan nous confiait lors d’une rencontre privilégiée à l’occasion de la sortie de son précédent roman, La ferme du bout du monde, que c’est son ancienne carrière de journaliste qui l’avait inspirée pour ce roman. Et c’est d’une évidence sans faille, cela donne une grande part de véracité à ce roman (mais qui reste bien une histoire inventée).
La force des personnages – Kate et Sophie, mais aussi James – , les lieux emblématiques de pouvoir, à savoir Oxford et Westminster, l’affaire judiciaire, les arcanes du pouvoir et du scandale, l’écriture maitrisée de l’auteur font de Anatomie d’un scandale un incontournable, un grand roman, un électrochoc, un véritable coup de cœur.
Ma note : 5/5