L’Été avant la Guerre d’Helen Simonson

Helen Simonson, L’Été avant la guerre, Nil Editions, Paris, 2016

l'été avant la guerreQuand j’ai vu qu’Helen Simonson avait écrit un nouveau roman, et qu’il allait être publié en France, j’ai su qu’il me le fallait. J’ai aussi su que je passerai un bon moment de lecture. Et bien je me trompais. Parce que le moment ne fut pas « bon », mais « excellent », et que je n’imaginais pas un instant passer par une gamme de sentiments si variée. Si j’avais adoré La Dernière Conquête du Major Pettigrew, que je vous recommande chaudement par ailleurs, je ne suis absolument pas déçue par ce nouveau roman, qui nous plonge au cœur de l’Angleterre juste avant l’un des conflits les plus meurtriers du XXe siècle : le calme avant la tempête…

Béatrice Nash débarque dans la petite ville de Rye, bourgade de la campagne anglaise, pour y prendre un poste de professeure de latin. Depuis la mort de son père, elle est sous la tutelle de sa famille qu’elle connaît peu et qui l’entrave dans ses choix de vie. En quête d’indépendance, elle est ravie de pouvoir mener sa propre vie, de manière chiche, certes, mais au plus près de ses aspirations. Parce qu’elle souhaite devenir écrivain, elle qui a vécu auprès de son père qui a beaucoup publié. C’est avec plein d’espoir qu’elle débarque donc, en cet été 1914, dans cette communauté aux règles bien établies. Agatha Kent, l’une des personnalités locales au caractère bien trempée, l’accueille et la guide, aidée en cela par ses deux neveux, Hugh, étudiant en médecine, et Daniel, poète. Mais la guerre est déclarée et Rye voit son équilibre ébranlé, par l’arrivée de réfugiés belges d’abord, puis par le départ des jeunes hommes sur le front. Béatrice se rendra alors compte que son vœu de célibat et d’indépendance n’est peut-être pas ce qui lui apporte le plus de bonheur…

Voici une histoire magnifique, qui nous plonge au cœur d’une petite communauté, où tout le monde se connaît et où les ragots vont bon train. On est au prise avec leur quotidien, leurs petits conflits, leurs querelles, leurs rancoeurs, mais aussi leur loyauté et leur gentillesse. Béatrice, puis les réfugiés belges, ébranlent une communauté aux règles tacites, et mettent notamment la femme au centre de nouveaux questionnements. Parce que le poste de professeur de latin n’a pas été attribué à Béatrice sans difficulté… Le latin étant une matière noble, que seul un homme peut enseigner ! C’est délectable, parce que si il est très plaisant d’observer ces personnes, leurs bals, leurs réceptions, on entre aussi dans l’histoire des luttes pour le droit des femmes. Certains personnages incarnent d’ailleurs ce combat, et se heurtent à la morale de l’époque. L’auteur a clairement voulu mettre en avant cette opposition entre tradition et modernité, notamment à travers le personnage d’Agatha Kent. Si on la perçoit plutôt proche du progrès, elle se débrouille toujours pour que les convenances soient respectées. Ce roman est un magnifique panorama de la société anglaise en 1914, juste avant un conflit qui marquera un premier tournant dans l’évolution vers une société plus « moderne » et égalitaire, et il me fait indéniablement penser en cela à la première saison de Downton Abbey.

Avec ce roman, l’auteur essaie de comprendre comment a pu réagir le peuple anglais à l’annonce de ce conflit. Si tout le monde pensait qu’il ne durerait pas, comme les journaux le disaient, les semaines d’insouciance glissent petit à petit dans la prise de conscience, le patriotisme, puis l’horreur. Et on sent bien cela dans ce récit. Les jeunes gens ne pensent qu’à aller en France en découdre avec l’ennemi allemand, chacun y cherchant gloire et fortune. Mais rapidement, la vérité se fait jour, avec tout ce qu’elle comporte d’horreurs, celle des tranchées et des bombardements sur les champs de bataille.

On passe par toutes les émotions à la lecture de ce roman. On est ému par le destin des personnages, on rit aux péripéties de cette bonne société anglaise et aux bonnes piques d’Agatha, on s’insurge face au peu de compassion de certains, on est touché par les drames qui affectent certains d’entre eux, mais aussi par le caractère généreux de certains autres. On s’attache très rapidement à Béatrice, Hugh, Daniel, Agatha, John, Snout, Céleste, et on referme le roman avec l’envie de partir les retrouver et de boire un thé bien fort pour se remettre de nos émotions.

Avec une très belle plume, Helen Simonson dresse un portrait d’une grande justesse et d’une grande beauté d’une société sur le point de s’ébranler, encore dans l’insouciance, prête à sombrer dans l’effroi et l’incompréhension. Une magnifique lecture que je ne saurai que vous conseiller !

Ma note : 5/5

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