Kristin Harmel, L’Heure Indigo, Denoël, Paris, 2014
L’Heure Indigo est une magnifique histoire sur le passé méconnu d’une famille qui peine à se construire. C’est plein de poésie, et malgré quelques défauts, on se laisse emporter par ce roman qui allie présent et passé et qui nous entraîne dans la quête de Hope qui cherche à comprendre le passé de sa grand-mère d’origine française.
Hope vient de divorcer et a une fille adolescente qui lui mène la vie dure. Elle tient la boulangerie familiale à Cape Cod et ce n’est pas toujours rose, la crise étant passée par là et les soucis financiers s’accumulant depuis. Sa mère est décédée il y a quelques années et demeure le sentiment que cette dernière ne l’a jamais aimée, du moins pas comme il aurait fallu. Sa grand-mère, Rose, arrivée de France en 1942, est atteinte de la maladie d’Alzheimer et perd petit à petit ses souvenirs et ses repères. Autant dire que la vie de Hope n’est pas idéale. Un jour de lucidité, Rose en dévoile un peu sur son passé obscur et a une étrange requête : elle donne à Hope une liste de cinq noms et lui demande de découvrir ce qu’ils sont devenus en se rendant en France. Hope pense d’abord que la requête est infondée, ne veut croire à cet élan de lucidité. Mais devant l’insistance de sa fille, elle se laisse convaincre et part à la recherche du passé enfoui de sa grand-mère qui va la faire entrer de plein fouet en plein Paris sous l’occupation, en pleine rafle du Vel d’Hiv et va lui faire découvrir que le grand amour n’est pas qu’illusion et paillettes.
On pourrait croire qu’il s’agit encore d’un roman sur la Seconde Guerre mondiale et les horreurs s’y affairant, et c’est un peu le cas. On joue sur les émotions, les liens familiaux, l’amour, mais c’est très bien fait et les personnages sont touchants. L’histoire de Rose est très belle et très triste, comme on s’y attend, mais il n’y a pas de pathos – même si c’est parfois peut-être très légèrement surjoué. Ce roman nous parle des différentes religions, le judaïsme d’abord, religion cachée de Rose, le catholicisme ensuite, religion « adoptée » par Rose et dans laquelle elle a élevé sa fille et sa petite-fille, la religion musulmane ensuite, mais je ne vous dévoilerai pas de quelle manière, parce qu’il s’agit de l’un des moments forts du roman. Lire ce roman en ce moment fait du bien, et nous montre que toutes les religions peuvent vivre en harmonie ensemble.
C’est un roman agréable à lire, même si on y trouve trop de répétitions. En exagérant un peu, il nous est dit trois fois en trois pages que la fille de Hope dort chez son père… Bref, de petits problèmes dans la narration, mais à part ça, j’ai passé un très bon moment de lecture. Hope est attachante, même si on a parfois envie de la secouer un peu et de mettre une baffe à sa place à sa fille – dont le comportement s’arrange un peu au fil du roman, je vous rassure. Les personnages sont touchants et agréables, plein d’humanité. Cette quête du passé, qui se lie au présent, est pleine d’intensité et nous apprend, si c’était nécessaire, que le passé nous permet de nous construire.
Kristin Harmel s’attaque ici à un sujet vu et revu au fil des années, mais avec ses personnages et cette histoire particulière qu’elle nous raconte, parvient à nous intéresser malgré tout. On passe un bon moment de lecture, un bon moment de détente. Un livre cocooning qui fait du bien et qui nous entraîne aisément à la suite de Hope. Je conseille !
Ma note : 4/5
Traduit de l’anglais par Christine Barbaste. Publié le 18 septembre 2014.