Hamlet au paradis de Jo Walton

Jo Walton, Hamlet au paradis, Trilogie du Subtil Changement, T2, Denoël, Collection Lunes d’encre, Paris, 2015

hamlet au paradisHamlet au paradis est le second tome de la Trilogie du Subtil Changement, le premier tome s’intitule Le Cercle de Farthing. Je n’ai pas lu ce premier tome, et je me suis inquiétée de savoir s’il ne me manquerait rien pour apprécier cette lecture. Je pense que lire le premier tome m’aurait aidé à mieux visualiser le contexte historique réécrit, mais cela n’a franchement pas été handicapant. Cette uchronie est captivante, et nous oblige à nous interroger  : Et si… tout ne s’était pas passé comme cela s’est passé ? Et nous interroge forcément sur ce qui se passerait si tout recommençait aujourd’hui, si un Hitler revenait au pouvoir, si nous devions à nouveau subir les monstruosités inhérentes à la guerre… Aurait-on autant de courage, ou nous banderions-nous les yeux comme le font bon nombre de personnages de Hamlet au paradis ?

Nous sommes à Londres, en 1949. Hitler a toujours le pouvoir, le IIIe Reich est étendu à toute l’Europe. L’Amérique se fait toute petite, et Staline est le seul à encore lutter. Est-il donc utile de préciser que Juifs et communistes ne sont pas particulièrement bien vus en Angleterre, où le gouvernement soutient clairement Hitler, et à déclarer la guerre aux terroristes juifs qui “tyrannisent” les honnêtes anglais ? C’est dans cette atmosphère très lourde que Viola Lark, comédienne de théâtre qui a tourné le dos à sa famille aristocratique depuis bien longtemps, mais qui garde un lien particulier avec ses nombreuses sœurs, se voit proposer le rôle d’Hamlet, dans une représentation très à la mode où les rôles d’hommes sont donnés à des femmes, et vice versa. Électrisée, elle apprend même qu’Hitler et le nouveau premier ministre, Normanby, assisteront à la première ! Mais très vite, elle comprend que tout sera plus difficile que prévu : une des actrices meurt dans l’explosion d’une bombe qui n’est pas une bombe défectueuse du Blitz, et une de ses sœurs, communiste depuis toujours, l’appelle à l’aide… Et si tout était lié ? La situation de Viola devient vite intenable, surtout quand l’inspecteur Carmichael, très intègre, s’occupe de l’affaire de la bombe, et met donc son nez dans les affaires du théâtre et de la pièce qui va s’y jouer très prochainement…

Plus encore que l’Histoire, c’est bien l’uchronie qui m’a attiré et plu dans ce roman. S’apercevoir comment aurait tourné ce conflit planétaire si l’Angleterre avait signé une paix, la laissant tranquille dans son coin, mais laissant seuls de nombreux pays attaqués par Hitler, cela fait froid dans le dos. Le caractère central de l’Angleterre dans ce conflit n’a jamais été remis en cause, au contraire, et cette trilogie n’en est que plus convaincante. Mais dans ce récit, se pose aussi la question de comment se dépêtrer de cette situation. Parce que certains ne veulent pas continuer à être en paix avec l’Allemagne, et sont au courant des atrocités qui se trament sur le continent. Mais à ce stade, assassiner les hauts représentants permettrait-il de renverser le IIIe Reich, ou laisserait juste la place à d’autres tyrans ? Parce que toutes les idées du nazisme sont bien ancrées dans l’esprit des gens, depuis près de dix ans…

Évidemment, cette histoire est servie par deux héros complexes, pris dans des situations intenables, et pour lesquels on éprouve vite de l’affection et de l’empathie (même sans avoir lu le premier tome, où l’inspecteur Carmichael mène déjà l’enquête). Viola est obligée de faire une chose malgré elle, puisqu’on ne lui laisse le choix… Enfin, on lui laisse le choix de mourir dans la minute, ou peut-être quelques semaines après, selon sa décision… Alors, elle est bien obligée de tenter le tout pour le tout ! Se pose dès lors cette question : la fin justifie-t-elle les moyens ? Quant à Carmichael, inspecteur homosexuel, tenu par sa hiérarchie depuis les incidents du tome 1, qui sait tout de ses penchants jugés contre-nature à l’époque, il se retrouve à mener l’enquête de manière contrainte. Sa profonde honnêteté se heurte même à ses idées, travaillant pour un régime qui, s’il n’est pas directement dictatorial, est proche de celui qui sévit sur le continent… Les situations de ces deux personnages nous permettent de nous poser mille questions sur les attitudes à avoir, sur leurs échappatoires, sur ce qu’on veut voir se produire pour eux, voire malgré eux… Et la fin est en cela étonnante et très bien menée. Si j’ai trouvé dans ce roman quelques longueurs, je me suis laissée entraînée par les 60 dernières pages, qui nous mènent inexorablement vers un dénouement qui m’a franchement surprise.

Vous l’aurez compris, ce roman fut une belle découverte. Je lirai très certainement la suite, et probablement le premier tome pour comprendre les petites subtilités qui m’ont échappé. Quelques longueurs cependant qui ne me permettent pas d’en faire un coup de cœur.

Ma note : 4/5

Paru le 1er octobre 2015, traduit de l’anglais par Florence Dolisi

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