Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah, Gallimard, collection Du monde entier, Paris, 2015.
Lorsque Babelio nous a proposé de recevoir le roman Americanah et de rencontrer son auteur, je me suis dit “Pourquoi pas ?”. Ce n’était pas vraiment le genre de livre vers lequel je serais allée, mais sortir des sentiers battus est parfois une bonne chose. Et bien, voici un beau coup de coeur, un roman d’une grande puissance, qui traite d’un nombre incroyable de sujets, dont le racisme ordinaire aux Etats-Unis, la recherche d’un eldorado, ce que signifie être expatrié, ou même sans papier dans un nouveau pays, ou encore comment s’occuper de ses cheveux quand on est une femme noire. En résumé, un roman qu’il est nécessaire de lire !
Ifemelu vit aux Etats-Unis depuis treize ans maintenant, et plus particulièrement à Philadelphie. Célèbre grâce à un blog qui traite du fait d’être noire quand on n’est pas afro-américain, parlant notamment de racisme, elle décide de tout laisser derrière elle et de rentrer au Nigeria, son pays d’origine où elle a laissé son grand amour Obinze. Ce roman retrace son parcours semé d’embûches dans ce pays, considéré comme un eldorado par les nigérians, de ses années de jeunesse à Lagos, dont sa rencontre avec Obinze, des problèmes de grèves dans les universités qui la motivent à partir étudier aux Etats-Unis, de son arrivée dans ce nouveau pays, de sa galère à trouver un emploi pour payer ses études, de son travail comme gouvernante dans une famille blanche, de sa rencontre avec deux hommes qui compteront beaucoup pour elle mais qui ne feront que pâle figure face au souvenir d’Obinze, de l’ouverture de son blog, du début de sa réussite, de sa relation avec sa tante et son neveu, expatriés comme elle, et de son désir de rentrer au pays. Un roman d’une richesse incroyable qui parle à tous les jeunes : ce désir de partir dans un autre pays tenter sa chance quand les perspectives d’avenir dans son propre pays peuvent paraître limitées…
Ifemelu est un personnage auquel je me suis beaucoup attachée. Son parcours est loin d’être facile, et à son arrivée aux Etats-Unis, elle se confronte à quelque chose de nouveau pour elle : être noire. Parce qu’elle n’était pas noire au Nigeria, elle était simplement elle. Elle n’était pas considérée comme différente. Elle subit alors un racisme ordinaire, qu’elle va gérer et surmonter la tête haute. Toutes les réflexions sur ce racisme, encore courant dans ce pays – et pas que – nous donnent à réfléchir. Pour donner un exemple, une dame blanche, au demeurant très gentille, chez qui elle va travailler, qualifiera les femmes noires qu’elle rencontre de “belles personnes”, pour ne pas utiliser le mot “noire” qui peut encore avoir une connotation raciste. Et en France, nous faisons un peu pareil, en disant “black” pour “noir”…
Ifemelu est droite dans ses baskets. Elle se construit petit à petit a apprend de ses erreurs. C’est une femme mûre qui rentre au Nigeria, qui sait ce qu’elle veut et qui ne souhaite plus faire de compromis. Elle nous dépeint ainsi un Nigeria aux difficultés et aux travers nombreux – problèmes politiques, de corruption – mais où il a l’air malgré tout de faire bon vivre… Surtout quand il s’agit de son pays d’origine. Ce désir de rentrer travailler dans son pays, pour aussi l’aider à évoluer, et notamment faire évoluer les consciences, est tout à l’honneur de ce personnage tout à fait fascinant. Nigeria, pays de toutes les contradictions, mais d’autres pays en ont également…
Nous suivons aussi le parcours d’Obinze, qui lui aussi s’exilera, mais pas dans les mêmes conditions qu’Ifemelu, et qui sera confronté à bien des problèmes, notamment aux réseaux pour aider les sans-papiers, mais qui profitent bien d’eux en réalité. A lui seul, il pourrait représenter ce pays : un homme érudit, intelligent, qui finira par pratiquer la corruption pour s’en sortir au mieux, et qui se trouvera coincé dans une vie pleine de contradictions, qui ne lui conviendra pas, ou plus dès que son chemin croisera à nouveau celui d’Ifemelu.
Ma chronique est bien loin d’être complète, j’en finis presque par me mélanger les pinceaux : il y aurait tellement à dire sur ce roman ! La rencontre avec l’auteur a duré une bonne heure, elle aurait pu durer des heures encore tellement il y a de choses à dire sur ce roman, puisqu’il fait échos à bon nombre de faits sociétaux actuels. Je ne vous recommanderai qu’une chose : lisez-le de toute urgence, vous ne pourrez rester insensible au charme d’Ifemelu et à l’écriture travaillée de Chimamanda Ngozi Adichie.
A dévorer !
Ma note : 5/5
Et si vous avez un doute, voici le lien vers l’émission La Grande Librairie diffusée sur France 5 du 22 janvier 2015, à voir en replay, à partir de la 21e minute en ce qui concerne cet auteur et ce roman – qualifié de chef d’oeuvre par François Busnel.
Merci à Babelio et Gallimard pour m’avoir permis de découvrir ce chef d’œuvre littéraire !