Eleanor Catton, Les luminaires, Buchet Chastel, Paris, 2015
Cette chronique, je dois l’écrire depuis des semaines et des semaines. J’ai même rencontré l’auteur en décembre, c’est dire si je ne suis pas en avance ! Mais m’attaquer à la chronique d’un roman aussi dense, aussi riche, tant dans l’écriture que dans l’histoire contée, merveilleux, plein de personnages, de péripéties… et de pages (près de 1000) m’a demandé de la réflexion et une bonne dose de courage, tant je voulais donner une image fidèle de mes impressions. Mais que cela ne vous fasse pas peur, ce roman est d’une fluidité exceptionnelle malgré sa densité, et cette lecture passe très très vite !
Nous sommes en 1866, en Nouvelle-Zélande. Nous nous trouvons en pleine ruée vers l’or. Walter Moody, britannique, débarque sur les rives d’Hokitika, au milieu d’une faune bien particulière… faite d’ambitieux et d’hommes et femmes n’ayant plus rien à perdre. Il se retrouve dans un hôtel dans lequel il se mêle à une assemblée bien mystérieuse qui semble assez décontenancée de se voir rejointe par ce jeune homme. Il apprend ainsi bon nombre de faits énigmatiques qui se jouent dans la ville depuis plusieurs semaines, et notamment dans les dernières 24 heures : un riche notable a disparu, une prostituée a tenté de se suicider et un homme a été retrouvé mort par un politicien, avec un très gros magot caché chez lui. Tout se mêle à des personnages intrigants, chacun cachant ses petits secrets. Ces personnes sont-elles liées ? Et comment ? Pourquoi ? Les douze hommes rassemblées dans cette salle vont se raconter leurs histoires afin de tenter de restituer la vérité. Mais elle n’est pas si simple à atteindre et ce sont les semaines qui suivront qui verront la vérité éclater…
Je vais revenir très vite sur l’histoire, mais ce que je pense être le point le plus incroyable dans ce roman, c’est sa construction, son écriture et le cadre contraignant que s’est imposé l’auteur. Écrit à la manière d’un roman du XIXe siècle, Eleanor Catton prend le temps de dépeindre ses personnages et leurs aventures. On pourrait y voir là un point faible du roman, un certain risque de longueurs et de lassitude… Mais non ! L’écriture est si belle et si juste qu’on ne peut s’ennuyer. Et c’est peut-être ce qui m’a le plus marqué car ce doit être la première fois que cela m’arrive : qu’importe l’histoire, j’étais prise complètement dans la prose de l’auteur. Mais rassurez-vous, l’histoire vaut le détour ! Quant à la construction… Le roman est basé sur l’astrologie, chacun des personnages a un signe astrologique différent, et leurs caractères sont basés à partir de ces signes. Mais l’auteur est allé plus loin. Le roman est constitué de douze parties, comme les douze signes du zodiaque. Et chaque partie comprend la moitié du nombre de pages de la partie précédente. Dur défi d’écriture ! Si la première partie est donc assez longue, la dernière est plus que courte. Une très belle construction, donc, doublée d’une magnifique écriture !
Revenons-en à l’histoire, à présent. Si l’auteur a soigné son écriture, elle n’en a pas pour autant délaissé son intrigue. Tout se met en place progressivement, sans qu’on ne s’en aperçoive, et sans qu’on puisse se dire : “Tiens, c’est à ce moment-là que j’ai compris ce qui se tramait !”. Mais non, tout se passe en finesse, c’est incroyable. On m’a dit que la fin serait absolument étonnante, mais cela n’a pas été le cas. Oui, la fin est étonnante, car toutes les pièces assemblées forment un puzzle bien différent de ce à quoi on pouvait s’attendre au départ. Mais comme j’ai pu déjà le dire, pas de dénouement “choc”. Les personnages sont nombreux et d’une incroyable richesse. Certains touchants, d’autre fatigants, d’autres encore intrigants, certains sympathiques et d’autres détestables.
Pour résumer, une belle flopée de personnages qui sont au centre même d’un récit d’une richesse incroyable, dans une Nouvelle-Zélande prise dans la ferveur d’une ruée vers l’or que nous sommes plus habitués à voir en Californie.
Une très belle découverte que ce dernier roman d’Eleanor Catton, mon premier personnellement, qui a reçu le prestigieux Man Booker Price en 2013.
Ma note : 4/5